Pollution électromagnétique : les éleveurs ont décidé de réagir
Le danger des ondes électromagnétiques ne concerne pas uniquement les particuliers. Depuis quelques temps, un nombre croissant d’éleveurs se dresse contre les ravages provoqués par les champs électromagnétiques sur leurs bêtes. Une pollution qui impacte directement leur activité, mais qui a également des conséquences sur leur vie (stress, suicide, etc.). L’occasion de s’intéresser de près à ce fléau qui touche directement nos campagnes et interroge sur nos modes de vie.
Danger des ondes sur les animaux : les pouvoirs publics font la sourde oreille
Le 27 décembre 2018, Chantal Deseyne, Maire de Serville et Sénatrice d’Eure-et-Loir, a posé au Sénat la question des conséquences sanitaires d’une exposition aux ondes électromagnétiques des animaux d’élevage. Appelant l’attention du Ministre de l’agriculture et de l’alimentation, l’élue interpelle sur certaines difficultés rencontrées par les éleveurs, notamment la surmortalité des veaux. L’objectif de cette demande ? Savoir si des études existent sur les effets des champs électriques et magnétiques afin de pouvoir apporter une réponse aux éleveurs en souffrance.
La réponse publiée dans le Journal Officiel du Sénat le 14 février 2019 est sans appel : le GPSE (Groupe permanent pour la sécurité électrique)n’a pas mis en évidence un lien de causalité entre les symptômes observés sur les animaux d’élevage et les ondes électromagnétiques. Et bien que les effets des courants parasites, notamment des lignes haute tension, soient connus, les différents rapports officiels ne permettent pas de conclure qu’ils ont un impact sur la performance et la santé des animaux. Une réponse d’autant plus terrible pour les éleveurs qu’elle avance un autre constat : lorsque des difficultés sont identifiées, elles sont dus à une mauvaise conduite de l’élevage. Autrement dit, la pollution électromagnétique n’aurait rien à voir dans les problèmes rencontrés par les éleveurs.
Un éleveur se dresse contre les champs électromagnétiques
Peu de temps avant la publication de cette réponse, un éleveur a décidé de sortir de l’ombre pour dénoncer l’impact des champs électromagnétiques sur son élevage. Patrick Pilon, éleveur dans la Sarthe, a vu mourir 200 000 lapins en l’espace de 4 ans. Une surmortalité qu’il attribue aux pollutions électromagnétiques touchant son exploitation, notamment en raison de la présence d’une antenne-relais à quelques mètres de là. Pour appuyer ses propos, l’éleveur a fait réaliser une expertise par un géobiologue de la Chambre d’Agriculture de la Sarthe. Alors que le niveau de fréquence maximal ne devrait pas dépasser 500 mV/m, l’étude conclut qu’il est compris entre 600 et 800 mV/m au sein du bâtiment abritant ses lapins. Une surexposition aux ondes qui serait probablement due à l’installation d’une antenne-relais à seulement 140 mètres de son exploitation. Depuis le passage à la 4G, Patrick Pilon a constaté que ses animaux avaient un comportement anormal et ne mangeaient pas, malgré une absence de pathologie particulière.
Malgré cela, aucune preuve ne permet d’incriminer directement l’antenne-relais ou une autre installation. L’éleveur, aujourd’hui en redressement judiciaire à cause d’une production impactée, a néanmoins décidé de réagir. Il a rejoint l’APEM (Association de Protection de l’Environnement Malicornais) et a rallié d’autres agriculteurs à sa cause. Il faut dire qu’une dizaine de cas similaires ont déjà été recensés dans la région. De quoi inciter les autorités à se pencher sur la question ? Rien n’est moins sûr pour le moment.
Faire des dangers électromagnétiques une cause nationale
La situation de Patrick Pilon est loin d’être un cas isolé. L’éleveur a pu s’en rendre compte à l’occasion d’une réunion organisée le 8 février 2019, à laquelle ont participé 150 personnes dénonçant les dangers d’un phénomène qui n’est pas reconnu par les autorités sanitaires. Pour les géobiologues, les nuisances qui touchent les animaux (affaiblissement, diminution de l’immunité, perte de productivité, infécondité, mort, etc.) sont effectivement dues à la présence de lignes haute tension et d’antennes-relais. Le problème, c’est que la profession de géobiologue n’est pas reconnue par l’État et que leurs études ne sauraient donc avoir de valeur aux yeux des autorités sanitaires. Une réponse qui ne satisfait pas les éleveurs ayant participé à la réunion, eux qui voient leur vie basculer à cause des perturbations électromagnétiques impactant leur exploitation. Une situation d’autant plus dramatique que, pour certains, elle a entraîné la faillite, voire même des tentatives de suicide.
Alors, que faire face à la défiance affichée par les autorités ? Plutôt que de se taire, ces agriculteurs ont décidé de se faire entendre afin de mobiliser le grand public et, ainsi, faire réagir l’État. Un premier combat réussi puisque plusieurs femmes politiques ont fait le déplacement, dont Sylvie Tolmont, Députée de la Sarthe, et Nadine Grelet-Certenais, Sénatrice de La Flèche. Prochain objectif ? Faire de leur lutte contre les pollutions électromagnétiques une cause nationale.
Mme Tolmont n’est plus députée …. Mme Nadine Grelet-Certenais n’est plus sénatrice ….
Et les éleveurs restent avec leurs problèmes.
Que se passe-t-il au salon de l’agriculture ?
Emmanuel Macron face aux inquiétudes et parfois chahuté au Salon de l’agriculture de Paris
Des éleveurs ont dénoncé la dangerosité des ondes pour leur santé et celle de leurs bêtes : « Vous allez tous les jours au travail, on voit la mort … Monsieur Macron, renseignez-vous de ce qui se passe, on n’est pas des menteurs ! On demande juste de voir si ça vient de l’antenne, pas de l’enlever », l’ont-ils interpellé.
Au Gaec de La Liez à Lecey (Sud haut-marnais), depuis des années, le rendement des laitières est durement affecté. Surtout, le cheptel connaît une surmortalité. Convaincus que les effets des champs électromagnétiques d’antennes de téléphonie et de deux parcs éoliens sont en cause, Anthony et Sandra Varney ont reçu dimanche 19 février le député Christophe Bentz et convoqué une cinquantaine d’exploitants. Pour crier leur désarroi, avec celui de trois autres exploitations, qui endurent le même désastre.
« Nos laitières ont commencé à accuser une baisse de production en 2015. » Stupeur à Lecey, au Gaec de la Liez d’Anthony et de Sandra Varney. La fertilité de leurs prim’holsteins décroît, elles s’affaiblissent. Des micotoxines présentes dans le maïs sont désignées responsables. « On a décidé de stabiliser l’alimentation des vaches avec des capteurs », raconte Sandra. Une réponse qui permettra de remonter le rendement des laitières, initialement « à 35, 36 litres par jour par vache » à 33 litres. Sauf qu’en janvier 2018, « les capteurs n’ont plus aucune efficacité ». Le manque à gagner est de 26 000 € par an. Mais le plus dur reste à venir, c’est une période infernale qui s’ouvre. Les bêtes boîtent, souffrent de saignements de nez, sont victimes d’arrêts cardiaques. L’affaire prend une telle ampleur que le Gaec « n’arrive plus à faire (son) quota ». Alors Anthony et Sandra décident de remonter les effectifs : de 85 têtes, ils vont passer à 130 « pour compenser la perte ». Inévitablement, les coûts d’exploitation augmentent et les nouvelles arrivées prennent de la place. Surtout, la surmortalité continue de sévir. « En six ans, 90 bêtes ont succombé et je ne sais combien de veaux ». Les bêtes paraissent foudroyées par une extrême fatigue, « finissant par ne plus se lever ». D’autres présentent des signes cliniques effrayants : « des bosses qui poussent, des kératites telles que leurs yeux deviennent deux gros globes blancs ». Les veaux sont pris de « diarrhées insoignables », pétris d’érythèmes, affectés de pneumonies.
« En une journée, le géobiologue ne voyait plus clair »
« Je ressens quelque chose chez vous, il s’y passe quelque chose ». On est alors en 2020. « Ce premier géobiologue a compris qu’il ne pourrait rien pour nous », poursuit Sandra. Sans se déplacer en Haute-Marne, l’homme freine des quatre fers. Malgré les réticences de son époux, l’exploitante appelle un homologue à la rescousse, il est Vosgien. « Au terme de son premier jour dans la ferme, il était complètement rincé. Il m’a dit “Je ne vois plus clair, ici, c’est un cas d’école” ». La faute à « huit antennes de téléphonie qui passent, et à deux parcs éoliens – à 10 km à Dampierre et à 15 km à Fayl-Billot », tranche Sandra. En résumé, les effets de leurs champs électromagnétiques (CEM) sont montrés du doigt.
« Des vaches sautent en allant en salle de traite »
« À la chambre d’agriculture, personne ne nous aidait. C’est en 2022 que le groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole (GPSE, au statut aujourd’hui associatif NDLR) nous a adressé un technicien de l’APAVE (groupe privé, NDLR) qui est venu mesurer tous les courants ». Son verdict est que le sol en est plein. Or, « le bâtiment est là depuis 1980 ». Pour Sandra, c’est clair, les CEM sont en cause. « On a relevé 500mV au sol ». Un voltage « bien supérieur aux normes européennes », indique-t-elle. D’une telle intensité qu’ « il y a des vaches qui sautent en allant en salle de traite ». Elles prennent des décharges, insiste-t-elle. Ce n’est pas tout. La santé de son époux chancèle elle aussi. « Il n’a pas dormi pendant plus d’un an ». Alors, qu’espère le couple Varney de la venue du député Bentz, après celle du président du Département Nicolas Lacroix, le 14 février ? « Que le gouvernement bouge ». Et pas en les indemnisant car « c’est pour qu’on ferme notre g… ». Antennes de téléphonie, éoliennes, « il faut arrêter ! ». Sandra constate qu’ « aujourd’hui, le consommateur est content d’avoir de la bouffe française ». Faudra-t-il, poursuite-elle, qu’il s’accommode de viande du Brésil ou d’Espagne ? Non, Sandra n’ira pas au salon de l’agriculture, qui aurait pu servir de caisse résonnance à la détresse du GAEC. « Pour moi, c’est un zoo pour les Parisiens. En plus, ça stresse les animaux. Si les gens veulent en voir, qu’ils viennent dans les fermes ».
Exploitants frères de peine
Des malheurs identiques à ceux du Gaec de La Liez s’abattent avec la même virulence sur d’autres élevages de Haute-Marne. A Darmannes, à Noyers, à Belmont. Qui dénoncent les effets mortifères des antennes de téléphonie.
« Les éoliennes du nouveau parc ont été mises en route un vendredi. Le samedi, on a trouvé deux vaches mortes et le dimanche, une troisième. » Cette fois, le pénible scénario se déplie chez Jean-Michel et Agnès Aubertin, à Darmannes. Conjointement, leurs vaches « n’arrivent plus à se reproduire ». Le couple possède 45 laitières et 70 allaitantes… et « les deux troupeaux sont touchés ». Celui des allaitantes dans une moindre mesure « car elles vont dans le Bassigny ». Après avoir vu le contingent des veaux diminuer d’abord de moitié, Agnès récapitule à son tour : « Sur le troupeau laitier, je suis à 63% de perte. » Total : l’exploitation n’atteint plus sa référence laitière : « On a retiré 200 000 li-tres de lait. » Leur fille a lancé une production de crème glacée. L’idée que son projet échoue met « la peur au ventre » à la famille. Sachant qu’Agnès elle-même a un sérieux problème de santé. Il y a un an, elle a dû subir une hystérectomie. Des fibromes réapparaissent. Son chirurgien s’interroge sur une corrélation avec l’implantation du parc éolien car « il se demande pourquoi ils sont revenus si vite ». L’idée d’Agnès est faite : il y a un parallèle et une logique entre les problèmes des bêtes et les siens, qui ont trait à l’appareil génital. « Soixante-dix éoliennes doivent encore s’implanter autour de Chaumont, ça m’effraie ! Si ça se fait, on n’a plus qu’à fermer. Des compensations financières, ça ne couvre pas tout. » Depuis Noël dernier, le couple a perdu « environ 15 000 € de bêtes ». Ayant fait appel à un géobiologue mayennais, il faut dans le même temps assurer pour « des barres d’acier, de cuivre, des pierres d’Égypte et des menhirs », destinés à endiguer les effets des CEM. « Comme chez Sandra, ma fille reste salariée, on ne peut pas envisager de l’installer. » Or, chez les Aubertin, « on en est à la quatrième génération » sur la ferme.
« Je vois mourir des veaux en moins d’une heure »
« Vingt-sept veaux sont morts la deuxième semaine de décembre, quatre vaches ces derniers jours. » À Noyers cette fois, avec Ophélie, Stéphane Groslevin travaille sur l’exploitation de son père Gérard, les Grands Prés. « En moyenne, les bêtes donnent 17 litres de lait par jour » : le rendement s’est effondré. « J’ai poussé jusqu’à 57 vaches matin et soir pour aller au robot. » Ophélie est elle aussi certaine que les CEM des antennes passent pile dans celui-ci. « Ça suffit ! Il y en a marre ! » Et de donner un aperçu d’un quotidien qui a tourné au cauchemar. « Le soir, les bêtes vont bien, et le lendemain, on les retrouve endormies pour toujours dans les logettes. Et généralement, il s’agit de vaches pleines. » Les plus jeunes n’échappent pas à la camarde. « On a des veaux dont la température monte soudain à 41,5°C. J’en vois mourir en moins d’une heure. »
« Des cellules » aux mamelles
« Même le véto n’a pas de remède. » À Belmont, Fabrice Chauffetet tient une sinistre comptabilité : en 2022, il a perdu 60 bêtes. Ici non plus, cette surmortalité ne date pas d’hier : « ça s’est déclenché en 2019. » Ici aussi, il met en cause une antenne téléphonique. La surmortalité est apparue « quand un 4e opérateur s’y est greffé ». Aujourd’hui, il enrage qu’un parc éolien se construise « à 300 m de la ferme à vol d’oiseau ». Alors que des laitières (une centaine désormais au lieu de 120) produisaient 20, 30 ou 40 litres de lait quotidiennement, « le lendemain, c’était zéro ». Il voyait apparaître à leurs mamelles « des cellules » au point, en fin d’année dernière, de « ne même plus pouvoir ramasser le lait ».
« Ce que je fais n’a rien de scientifique »
« Ce que je fais n’a rien de scientifique, je fais ce qui existe depuis la nuit des temps. » Bruno Laurent est le géobiologue qui intervient chez Anthony et Sandra Varney, au Gaec de La Liez à Lecey. Inséminateur retraité, il a eu « plusieurs accidents du travail ». Le dernier est très grave. « Je me suis guéri avec un pendule. » Après que son frère, qui rencontrait des difficultés dans son élevage, a convoqué un géobiologue », il l’est devenu à son tour. « Il faut avoir de la sensibilité. » Bruno est sur-sollicité.
Christophe Bentz : « Il faut une étude indépendante »
Sa permanence itinérante avait eu, il y a environ trois semaines, la visite du couple Varney, venu pour l’« alerter ». Le député de la 1ère circonscription Christophe Bentz s’est rendu au Gaec dimanche 19 février.
« J’ai demandé à aller sur place. » Ce rendez-vous a été honoré dimanche 19 février au Gaec de La Liez, à Lecey. Le parlementaire a voulu entendre Sandra Varney pour déterminer l’aide qu’il pouvait apporter. « Je vais accompagner ces exploitants. Les conséquences de ces ondes sont dévastatrices. Ils nous parlent d’une perte de centaines de milliers d’euros. » Le député estime qu’« il faut absolument que des expériences indépendantes soient menées pour démontrer scientifiquement le lien de cause à effet (entre les CEM et la surmortalité des vaches, NDLR) ». Christophe Bentz rappelle que des dizaines d’années se sont écoulées avant que la dangerosité de l’amiante soit formellement établie. Or, il voit une analogie avec les antennes de téléphonie et les éoliennes : « On n’a pas assez de recul. » De quoi ignorer leurs potentiels effets délétères. « Je ne suis pas scientifique, mais si les CEM ont des effets sur la santé animale, il est logique qu’il y en ait sur la santé humaine. » En tout cas, « c’est un problème de santé publique ». Christophe Bentz prévoit de « faire des courriers aux acteurs concernés », son objectif est d’ « avoir assez vite cette enquête ».
La santé est un sujet transpartisan. A la question de savoir s’il envisageait de se rapprocher du président du Département Nicolas Lacroix, qui s’est rendu au Gaec mardi 14 février, Christophe Bentz a dit oui. « Je lui écrirai aussi. » Et de glisser qu’en outre, « le Département a une vocation sanitaire et sociale, on l’a vu avec l’hôpital ». Avant d’ajouter : « A un moment donné, il faudra que le Département contribue au financement de cette étude indépendante. »
Alors, qu’espère le couple Varney de la venue du député Bentz, après celle du président du Département Nicolas Lacroix, le 14 février ? « Que le gouvernement bouge ». Et pas en les indemnisant car « c’est pour qu’on ferme notre g… ». Antennes de téléphonie, éoliennes, « il faut arrêter ! » ** **
Déplacer les fermes impactées, indemniser : Eoliennes, champs électromagnétiques, la question de la santé humaine et animale enfin reconnue par le gouvernement ?
Interpellé par un groupe d’éleveurs au désespoir face à leurs troupeaux décimés, Emmanuel Macron a proposé d’indemniser les victimes. Les fermes pourront être également délocalisées. La priorité revient donc à l’électricité.
C’est un premier pas vers la reconnaissance du problème, et un véritable espoir pour les agriculteurs.
Cependant, une question se pose à présent : il est possible de déplacer un troupeau, une ferme. Qu’en sera-t-il des villages entiers de l’Aisne qui déposent actuellement des plaintes pour atteinte à leur santé ?
Rappelons que les vaches jouent ici un rôle de sentinelles : lorsqu’elles meurent, ce sont elles qui nous alertent. Ce problème de santé publique doit être reconnu pour toute la population, avant installation d’autres machines.
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Encore un comentaire
Malheureusement, il y a trop de pognon en jeu et le refus de remettre en cause les dogmes.
Des éleveurs se disant victimes des ondes électromagnétiques alertent
Les éleveurs de l’association ANAST (Association Nationale des Animaux Sous Tension) estiment que les ondes électromagnétiques et électriques sont responsables des difficultés de leur cheptel. Ils étaient présents mercredi au Salon de l’agriculture pour interpeller le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau.
Joël De Konick déroule timidement la banderole qu’il a tenue dans les mains toute la matinée : «Nous défendons les élevages victimes de pollutions électriques et électromagnétiques. » Planté à l’entrée du pavillon 4 du Salon de l’agriculture, à Paris, le message ne peut désormais plus être ignoré par les nombreux passants ce mercredi 1er mars. Et c’est le but : l’association Anast (Animaux sous tension), dont il est le trésorier, est venue au plus grand raout agricole de France pour faire connaître son combat. Depuis plusieurs années, elle tente d’alerter sur un danger qui guette, selon ses membres : « la pollution invisible » issue de la multiplication des antennes-relais, des éoliennes et des lignes à haute tension aurait des conséquences très graves sur le cheptel de certains éleveurs.
Quelques pas plus loin, le président de l’Anast, Hubert Goupil, déroule son argumentaire : « Alors que j’étais producteur de jeunes bovins, et ma compagne de poules, nous avons été touchés par une mortalité importante, et inexpliquée, à partir de 2012. Mes veaux mourraient au bout de deux ou trois jours. Les poules ne pondaient plus que 100 œufs par jour au lieu de 1 300. » Conseillé par un « géobiologue » – une discipline considérée comme une pseudoscience par l’Association française pour l’information scientifique -, Hubert Goupil met en cause l’antenne de téléphonie et le paratonnerre positionnés en amont sur une rivière souterraine qui traverse également son bâtiment d’élevage.
Il n’y a pas que les éoliennes INDUSTRIELLES qui transforment la structure agricole. Il y a aussi le photovoltaïque INDUSTRIEL
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« Quand vous êtes dessous, il y a une structure, je ne trouve pas cela moche, ensuite s’il y en avait dans tous les champs à perte de vue, c’est comme les éoliennes, je trouverais cela moche bien sûr. Je dirais « non mais cela suffit, j’en ai ras-le-bol ». Ainsi s’exprime le patron du lobby France Agrivoltaïsme, Antoine Nogier, chantre médiatique de « l’ agrivoltaïsme exigeant-harmonieux-vertueux » avec sa boite Sun’ Agri, pour qui a été écrit la loi du sénat en faveur de « l’ agrivoltaïsme » aujourd’hui intégrée à la loi d’accélération de la production des énergies renouvelables.
Sun’ Agri n’est pas n’importe qui. Depuis une décennie 25 millions ont été investit dans des programmes de recherches conjoints avec l’INRAE. Ainsi « l’histoire de l’agrivoltaïsme en France commence en 2009 par la rencontre d’Antoine Nogier, président et fondateur du groupe Sun’R et de Sun’Agri, et de Christian Dupraz, chercheur en Agroforesterie à l’INRAE »1.
Pour mieux faire passer leur projet abscons, les promoteurs de ce concept marketing n’ont cessé d’y ajouter des critères afin d’essayer de distinguer cet « agrivoltaïsme » du vulgaire photovoltaïque au sol. Leur but étant que 150 000 hectares soient recouverts. Une surface revendiquée tant par le Ministère de la Transition que par ce lobby.
Ainsi, 7 labos de l’INRAE et 14 chercheurs à temps plein ont bossé des années avec Sun’ Agri, mais aussi avec Photowatt et Itk, et ce avant que Sun’agri ne se lance sur le marché. Aujourd’hui Sun’ Agri est une succursale d’ Eiffage, et présente son « programme 3 » subventionné à 7 millions par l’ADEME et qui lui permet la construction de démonstrateurs à l’ échelle commerciale.
Raflant 75% des appels d’offre de la CRE, Nogier fanfaronne et dénonce « les cow-boys qui parcourent la pampa » des autres entreprises, mais achète pourtant des terres via sa boîte, à minima 80 hectares dans les Aspres, refuse de l’assumer et s’en défend en se présentant comme « engagé dans une initiative à but social consistant à remettre en état d’exploitation des vignes délaissées ou sans repreneur dans une exploitation modernisée et pérennisée ». Auprès de ses pairs, il se fait pourtant plus direct « nous sommes maintenant dans le business. Nous sommes développeurs et investisseurs, c’est une activité très capitalistique ».
Et alors que sa directrice prône la vertu, Sun’Agri fait un Recours Gracieux pour imposer ses 2 projets aux élu.es de Terrats qui avaient délibéré contre à l’unanimité. Nogier, boute-en-train, tente alors un calembour « la mairie ne s’oppose pas. Il y a eu des questionnements au début. Sur Terrats il y a pas de sujet, elle est plutôt pour la mairie. L’agrivoltaïsme c’est assez peu connu donc cela suscite beaucoup d’interrogation, et cela nécessite beaucoup de pédagogie ». Et bien que l’agrivoltaïsme ne fasse qu’ajouter à la dépendance à l’agroindustrie une autre dépendance aux industriels de l’énergie, Nogier se fait renard dans un poulailler : « Il y a autant de systèmes agricoles que d’agriculteurs. Tout le monde a le droit de faire des choix différents ».
Quant à son intermédiaire local, Christophe Koch, s’il fut à l’origine de la première centrale agrivoltaïque d’Europe qui a reçu les honneurs de Greenpeace, il prône l’autonomie des pratiques agronomique pour lui-même et contribue à aliéner les autres paysans et paysannes aux algorithmes de sun’agri…
Mais du coup, est ce que vous ne pensez pas que les panneaux ne sont pas forcément à la bonne place et qui faudrait favoriser une véritable agroforesterie, une diversification des parcelles en termes de cépages et d’arbres fruitiers ?
Mais bien sûr, mais bien sûr.
Mais pourquoi ne pas faire chez les autres ce que vous faite chez vous ?
Parce que chez moi je peux décider, je suis décideur.
Oui mais là on en revient au point de départ. Vous perdez l’AOC, donc quitte à perdre l’AOC dans ces projets de sun’agri, autant mettre des arbres et des abricotiers, non ?
Non mais enfin là c’est pas moi qui décide.
Mais vous travaillez avec ces sociétés-là.
(silence) non mais moi je conseille…
On pourrait lui conseiller d’arrêter de mettre en place des projets à 800 000 euros par hectare. Des centrales industrielles dont « l’algorithme qui gère à distance depuis le siège lyonnais de l’entreprise maîtrise parfaitement le comportement de la plante ». Nogier fanfaronne que « Sun’ Agri c’est un fournisseur de technologie d’intelligence artificielle. Notre métier c’est celui-là, on est une boîte de technologie ».« Le cœur du réacteur de Sun’Agri, c’est le numérique »2jubile t’il par ailleurs. Pourtant « jeprétend que nous on essaye de maintenir les terroirs tels quels. Non je ne suis pas de ceux qui penses que les systèmes connectés, la technologie sont l’ennemi de l’agriculture, au contraire ils peuvent aider l’agriculteur à dormir correctement sur ses deux oreilles, à avoir moins de stress et à faire un métier qui est extrêmement difficile. Ce sont des agriculteurs qui se sont réappropriés leur agriculture, leur métier et la technologie les aide » assène le PDG de Sun’ Agri. Il ose aussi présenter le salarié agricole qui sera sous ses panneaux comme un acteur indépendant alors que la société d’exploitation agricole est détenue par Sun’Agri.
En termes de convergence d’intérêts dans les Pyrénées-Orientales, l’écosystème « vertueux » des barons de la FNSEA et de la Coordination Rurale – dont Sun’ Agri recueille les fruits – fiche une insolation. Si le parrain de la FDSEA, Bruno Vila fort de ses millions, de ses 50 sociétés donc 5 agrivoltaïques, surclasse de loin son compagnon de route Philippe Maydat, président de la Coordination Rurale qui ne détient que 2 petites locations, ce dernier se permet une paella conviviale sous les serres de Ternergie. Ces deux syndicats sont présents à la Chambre d’agriculture, à la SAFER, à la CDPENAF, des instances décisives pour les projets de Sun’ Agri.
7 mois après le début de ce papier dont la version courte parue dans L’Empaillé a été lue par les commerciaux de Sun’Agri qui cherchent maladroitement à s’en défendre, la mairie de Fourques se déclare contre le 3eme projet de Sun’ agri et cherche à le bloquer. Face à la boîte d’Antoine Nogier qui n’avait pas prévenu des habitant.es que les chantiers et les lignes électriques allaient passer dans leurs terrains, des chaînes empêchent Sun’Agri d’accéder aux chantiers.
Dans les Aspres, tout le monde est en train de détester Sun’ Agri.