Parcs éoliens en mer 


D’ici à 2050, la France prévoit d’installer des éoliennes en mer pour en faire la deuxième source d’électricité après le nucléaire. L’avis des citoyens recueilli jusqu’en mars comptera-t-il ? Samedi à Bordeaux, certains y croyaient, d’autres moins.

Il y a les (trop) honnêtes. « Je vous remercie de m’avoir permis de profiter d’une croisière gratuitement. » Il y a les « opportunistes ». « Nous sommes universitaires dans le domaine de la pollution, et venir ici nous permet d’identifier les points d’incompréhension, sur lesquels nous gagnerions à communiquer. » Il y a quelques militants. « Il n’y a pas eu un mot sur la ferme Pure Salmon qui doit voir le jour au Verdon ! » Et les pragmatiques : « En quoi ce qu’on dit aujourd’hui aura un impact sur les décisions de demain ? »

Lors de rendez-vous originaux, les citoyens peuvent faire entendre leur avis sur les enjeux liés à la mer et au littoral, dans le cadre du débat national « La Mer en débat »

Samedi 6 janvier, 136 personnes ont embarqué à bord du « Burdigala », à Bordeaux, pour une croisière animée par l’association Terre et océan autour des enjeux de l’estuaire. Le rendez-vous s’inscrivait dans le cadre de « La Mer en débat », une concertation organisée par la Commission indépendante nationale du débat public (CNDP). À travers plusieurs rendez-vous en Nouvelle-Aquitaine, elle doit permettre de rendre un rapport consignant les remarques des citoyens sur l’avenir de la mer et du littoral français. C’est en mars 2023 que l’État a saisi la CNDP, en vue d’orienter ses choix futurs, avec une ambition affichée : atteindre une production de 45 GW en 2050 pour faire de l’éolien en mer la deuxième source de production d’électricité après le nucléaire (sur la façade Aquitaine, la Charente-Maritime est particulièrement concernée par ces installations).

Nucléaire, submersions, biodiversité…

L’ensemble de la population a son mot à dire. Y compris à Bordeaux, bercée par la Garonne et son estuaire. Le nucléaire avec la centrale du Blayais, la zone d’Ambès et ses stockages d’hydrocarbures, les risques de submersion marine, la biodiversité, sont autant de thèmes qui ont été abordés par les scientifiques de Terre et océan.

Dans l’assemblée, on n’a pas hésité à réclamer les sous-titres lorsque les termes devenaient trop complexes : « Si vous pouviez arrêter d’utiliser des acronymes », plaidait ainsi une retraitée tentant de ne pas perdre le fil. Sur leur chaise, au fond de la cabine, Pauline Romary, Lucas Lopez et Antoine Weidmann, étudiants en histoire de l’énergie à Bordeaux Montaigne, écoutent. « Tous les capitaux sont déjà engagés dans cette affaire, sait Antoine Wiedmann. Je me demande si le débat public n’arrive pas un peu tard… On n’est plus vraiment dans la coconstruction. »

« Décisions irréversibles ? »

« Les décisions prises par l’État avec RTE sont-elles irréversibles ? » rejoignait ce Bordelais. Julie Dumont, déléguée régionale de la CNDP en Nouvelle-Aquitaine, a l’habitude d’entendre ce genre de questions et sait l’importance d’expliquer la démarche menée jusqu’en mars. « Ce qui se dit est collecté et sera publié deux mois après la fin des débats. Puis, l’État et RTE auront trois mois pour dire comment ils intègrent ces remarques dans leurs propres décisions. Alors oui, l’installation de parcs éoliens en France est sans doute irréversible, car le gouvernement l’a annoncée. Mais ce qui peut évoluer, ce sont les caractéristiques techniques, de quantité, de localisation… Lors du débat public sur le parc éolien d’Oléron, l’emplacement des éoliennes a été déplacé hors du Parc naturel marin, comme la majorité des citoyens l’avaient demandé. C’est donc possible. »

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