Au Gaec de La Liez à Lecey (Sud haut-marnais), depuis des années, le rendement des laitières est durement affecté. Surtout, le cheptel connaît une surmortalité. Convaincus que les effets des champs électromagnétiques d’antennes de téléphonie et de deux parcs éoliens sont en cause, Anthony et Sandra Varney ont reçu dimanche 19 février le député Christophe Bentz et convoqué une cinquantaine d’exploitants. Pour crier leur désarroi, avec celui de trois autres exploitations, qui endurent le même désastre.
« Nos laitières ont commencé à accuser une baisse de production en 2015. » Stupeur à Lecey, au Gaec de la Liez d’Anthony et de Sandra Varney. La fertilité de leurs prim’holsteins décroît, elles s’affaiblissent. Des micotoxines présentes dans le maïs sont désignées responsables. « On a décidé de stabiliser l’alimentation des vaches avec des capteurs », raconte Sandra. Une réponse qui permettra de remonter le rendement des laitières, initialement « à 35, 36 litres par jour par vache » à 33 litres. Sauf qu’en janvier 2018, « les capteurs n’ont plus aucune efficacité ». Le manque à gagner est de 26 000 € par an. Mais le plus dur reste à venir, c’est une période infernale qui s’ouvre. Les bêtes boîtent, souffrent de saignements de nez, sont victimes d’arrêts cardiaques. L’affaire prend une telle ampleur que le Gaec « n’arrive plus à faire (son) quota ». Alors Anthony et Sandra décident de remonter les effectifs : de 85 têtes, ils vont passer à 130 « pour compenser la perte ». Inévitablement, les coûts d’exploitation augmentent et les nouvelles arrivées prennent de la place. Surtout, la surmortalité continue de sévir. « En six ans, 90 bêtes ont succombé et je ne sais combien de veaux ». Les bêtes paraissent foudroyées par une extrême fatigue, « finissant par ne plus se lever ». D’autres présentent des signes cliniques effrayants : « des bosses qui poussent, des kératites telles que leurs yeux deviennent deux gros globes blancs ». Les veaux sont pris de « diarrhées insoignables », pétris d’érythèmes, affectés de pneumonies.
« En une journée, le géobiologue ne voyait plus clair »
« Je ressens quelque chose chez vous, il s’y passe quelque chose ». On est alors en 2020. « Ce premier géobiologue a compris qu’il ne pourrait rien pour nous », poursuit Sandra. Sans se déplacer en Haute-Marne, l’homme freine des quatre fers. Malgré les réticences de son époux, l’exploitante appelle un homologue à la rescousse, il est Vosgien. « Au terme de son premier jour dans la ferme, il était complètement rincé. Il m’a dit “Je ne vois plus clair, ici, c’est un cas d’école” ». La faute à « huit antennes de téléphonie qui passent, et à deux parcs éoliens – à 10 km à Dampierre et à 15 km à Fayl-Billot », tranche Sandra. En résumé, les effets de leurs champs électromagnétiques (CEM) sont montrés du doigt.
« Des vaches sautent en allant en salle de traite »
« À la chambre d’agriculture, personne ne nous aidait. C’est en 2022 que le groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole (GPSE, au statut aujourd’hui associatif NDLR) nous a adressé un technicien de l’APAVE (groupe privé, NDLR) qui est venu mesurer tous les courants ». Son verdict est que le sol en est plein. Or, « le bâtiment est là depuis 1980 ». Pour Sandra, c’est clair, les CEM sont en cause. « On a relevé 500mV au sol ». Un voltage « bien supérieur aux normes européennes », indique-t-elle. D’une telle intensité qu’ « il y a des vaches qui sautent en allant en salle de traite ». Elles prennent des décharges, insiste-t-elle. Ce n’est pas tout. La santé de son époux chancèle elle aussi. « Il n’a pas dormi pendant plus d’un an ». Alors, qu’espère le couple Varney de la venue du député Bentz, après celle du président du Département Nicolas Lacroix, le 14 février ? « Que le gouvernement bouge ». Et pas en les indemnisant car « c’est pour qu’on ferme notre g… ». Antennes de téléphonie, éoliennes, « il faut arrêter ! ». Sandra constate qu’ « aujourd’hui, le consommateur est content d’avoir de la bouffe française ». Faudra-t-il, poursuite-elle, qu’il s’accommode de viande du Brésil ou d’Espagne ? Non, Sandra n’ira pas au salon de l’agriculture, qui aurait pu servir de caisse résonnance à la détresse du GAEC. « Pour moi, c’est un zoo pour les Parisiens. En plus, ça stresse les animaux. Si les gens veulent en voir, qu’ils viennent dans les fermes ».
Exploitants frères de peine
Des malheurs identiques à ceux du Gaec de La Liez s’abattent avec la même virulence sur d’autres élevages de Haute-Marne. A Darmannes, à Noyers, à Belmont. Qui dénoncent les effets mortifères des antennes de téléphonie.
« Les éoliennes du nouveau parc ont été mises en route un vendredi. Le samedi, on a trouvé deux vaches mortes et le dimanche, une troisième. » Cette fois, le pénible scénario se déplie chez Jean-Michel et Agnès Aubertin, à Darmannes. Conjointement, leurs vaches « n’arrivent plus à se reproduire ». Le couple possède 45 laitières et 70 allaitantes… et « les deux troupeaux sont touchés ». Celui des allaitantes dans une moindre mesure « car elles vont dans le Bassigny ». Après avoir vu le contingent des veaux diminuer d’abord de moitié, Agnès récapitule à son tour : « Sur le troupeau laitier, je suis à 63% de perte. » Total : l’exploitation n’atteint plus sa référence laitière : « On a retiré 200 000 li-tres de lait. » Leur fille a lancé une production de crème glacée. L’idée que son projet échoue met « la peur au ventre » à la famille. Sachant qu’Agnès elle-même a un sérieux problème de santé. Il y a un an, elle a dû subir une hystérectomie. Des fibromes réapparaissent. Son chirurgien s’interroge sur une corrélation avec l’implantation du parc éolien car « il se demande pourquoi ils sont revenus si vite ». L’idée d’Agnès est faite : il y a un parallèle et une logique entre les problèmes des bêtes et les siens, qui ont trait à l’appareil génital. « Soixante-dix éoliennes doivent encore s’implanter autour de Chaumont, ça m’effraie ! Si ça se fait, on n’a plus qu’à fermer. Des compensations financières, ça ne couvre pas tout. » Depuis Noël dernier, le couple a perdu « environ 15 000 € de bêtes ». Ayant fait appel à un géobiologue mayennais, il faut dans le même temps assurer pour « des barres d’acier, de cuivre, des pierres d’Égypte et des menhirs », destinés à endiguer les effets des CEM. « Comme chez Sandra, ma fille reste salariée, on ne peut pas envisager de l’installer. » Or, chez les Aubertin, « on en est à la quatrième génération » sur la ferme.
« Je vois mourir des veaux en moins d’une heure »
« Vingt-sept veaux sont morts la deuxième semaine de décembre, quatre vaches ces derniers jours. » À Noyers cette fois, avec Ophélie, Stéphane Groslevin travaille sur l’exploitation de son père Gérard, les Grands Prés. « En moyenne, les bêtes donnent 17 litres de lait par jour » : le rendement s’est effondré. « J’ai poussé jusqu’à 57 vaches matin et soir pour aller au robot. » Ophélie est elle aussi certaine que les CEM des antennes passent pile dans celui-ci. « Ça suffit ! Il y en a marre ! » Et de donner un aperçu d’un quotidien qui a tourné au cauchemar. « Le soir, les bêtes vont bien, et le lendemain, on les retrouve endormies pour toujours dans les logettes. Et généralement, il s’agit de vaches pleines. » Les plus jeunes n’échappent pas à la camarde. « On a des veaux dont la température monte soudain à 41,5°C. J’en vois mourir en moins d’une heure. »
« Des cellules » aux mamelles
« Même le véto n’a pas de remède. » À Belmont, Fabrice Chauffetet tient une sinistre comptabilité : en 2022, il a perdu 60 bêtes. Ici non plus, cette surmortalité ne date pas d’hier : « ça s’est déclenché en 2019. » Ici aussi, il met en cause une antenne téléphonique. La surmortalité est apparue « quand un 4e opérateur s’y est greffé ». Aujourd’hui, il enrage qu’un parc éolien se construise « à 300 m de la ferme à vol d’oiseau ». Alors que des laitières (une centaine désormais au lieu de 120) produisaient 20, 30 ou 40 litres de lait quotidiennement, « le lendemain, c’était zéro ». Il voyait apparaître à leurs mamelles « des cellules » au point, en fin d’année dernière, de « ne même plus pouvoir ramasser le lait ».
« Ce que je fais n’a rien de scientifique »
« Ce que je fais n’a rien de scientifique, je fais ce qui existe depuis la nuit des temps. » Bruno Laurent est le géobiologue qui intervient chez Anthony et Sandra Varney, au Gaec de La Liez à Lecey. Inséminateur retraité, il a eu « plusieurs accidents du travail ». Le dernier est très grave. « Je me suis guéri avec un pendule. » Après que son frère, qui rencontrait des difficultés dans son élevage, a convoqué un géobiologue », il l’est devenu à son tour. « Il faut avoir de la sensibilité. » Bruno est sur-sollicité.
Christophe Bentz : « Il faut une étude indépendante »
Sa permanence itinérante avait eu, il y a environ trois semaines, la visite du couple Varney, venu pour l’« alerter ». Le député de la 1ère circonscription Christophe Bentz s’est rendu au Gaec dimanche 19 février.
« J’ai demandé à aller sur place. » Ce rendez-vous a été honoré dimanche 19 février au Gaec de La Liez, à Lecey. Le parlementaire a voulu entendre Sandra Varney pour déterminer l’aide qu’il pouvait apporter. « Je vais accompagner ces exploitants. Les conséquences de ces ondes sont dévastatrices. Ils nous parlent d’une perte de centaines de milliers d’euros. » Le député estime qu’« il faut absolument que des expériences indépendantes soient menées pour démontrer scientifiquement le lien de cause à effet (entre les CEM et la surmortalité des vaches, NDLR) ». Christophe Bentz rappelle que des dizaines d’années se sont écoulées avant que la dangerosité de l’amiante soit formellement établie. Or, il voit une analogie avec les antennes de téléphonie et les éoliennes : « On n’a pas assez de recul. » De quoi ignorer leurs potentiels effets délétères. « Je ne suis pas scientifique, mais si les CEM ont des effets sur la santé animale, il est logique qu’il y en ait sur la santé humaine. » En tout cas, « c’est un problème de santé publique ». Christophe Bentz prévoit de « faire des courriers aux acteurs concernés », son objectif est d’ « avoir assez vite cette enquête ».
La santé est un sujet transpartisan. A la question de savoir s’il envisageait de se rapprocher du président du Département Nicolas Lacroix, qui s’est rendu au Gaec mardi 14 février, Christophe Bentz a dit oui. « Je lui écrirai aussi. » Et de glisser qu’en outre, « le Département a une vocation sanitaire et sociale, on l’a vu avec l’hôpital ». Avant d’ajouter : « A un moment donné, il faudra que le Département contribue au financement de cette étude indépendante. »
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Commentaire reçu
Alors, qu’espère le couple Varney de la venue du député Bentz, après celle du président du Département Nicolas Lacroix, le 14 février ? « Que le gouvernement bouge ». Et pas en les indemnisant car « c’est pour qu’on ferme notre g… ». Antennes de téléphonie, éoliennes, « il faut arrêter ! »
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Autre commentaire
Éoliennes industrielles, champs électromagnétiques, infrasons…
Quand Macron propose publiquement de déménager les agriculteurs impactés… Quid des villages entiers ?
De Sioux Berger :
Déplacer les fermes impactées, indemniser : Eoliennes, champs électromagnétiques, la question de la santé humaine et animale enfin reconnue par le gouvernement ?
Interpellé par un groupe d’éleveurs au désespoir face à leurs troupeaux décimés, Emmanuel Macron a proposé d’indemniser les victimes. Les fermes pourront être également délocalisées. La priorité revient donc à l’électricité.
C’est un premier pas vers la reconnaissance du problème, et un véritable espoir pour les agriculteurs.
Cependant, une question se pose à présent : il est possible de déplacer un troupeau, une ferme. Qu’en sera-t-il des villages entiers de l’Aisne qui déposent actuellement des plaintes pour atteinte à leur santé ?
Rappelons que les vaches jouent ici un rôle de sentinelles : lorsqu’elles meurent, ce sont elles qui nous alertent. Ce problème de santé publique doit être reconnu pour toute la population, avant installation d’autres machines.
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Encore un comentaire
Malheureusement, il y a trop de pognon en jeu et le refus de remettre en cause les dogmes.