La rapporteure publique a demandé à la Cour administrative d’appel de laisser du temps à la société Valorem pour amender son dossier pour le parc éolien de Chaumes-en-Retz.
Les opposants aux cinq éoliennes qui doivent voir le jour à Chaumes-en-Retz (Loire-Atlantique) ont demandé à la Cour administrative d’appel de Nantes, ce mardi 20 décembre 2022, d’annuler l’autorisation environnementale qui avait été octroyée au projet en juin 2021 par la préfecture de la Loire-Atlantique.
Pour commencer, la rapporteure publique — dont les avis sont souvent suivis par les juges — n’a rien trouvé à redire sur les capacités financières de la société Chaumes Énergies, une « société de projet » dont le capital social « se limite » pourtant à 1000 € : il s’agit en fait d’une « société-fille » du groupe Valorem, dont le capital social est lui de 9,5 millions d’euros.
Valorem va ainsi avoir recours à « l’emprunt bancaire » pour financer « entre 18 et 23 millions d’euros » pour son projet de parc éolien de Chaumes-en-Retz, dont le coût est évalué entre 23 et 26 millions d’euros. « Le reste » le sera « sur ses fonds propres », atteste le groupe. Un « schéma très classique » de financement pour les parcs éoliens, a commenté la magistrate.
Concernant l’impact des éoliennes sur la production des « vingt-deux » exploitations agricoles des alentours, la magistrate a reconnu que « la baisse de production » ou « la hausse de la mortalité » des cheptels était « un phénomène bien réel » pour les élevages situés à proximité des parcs, mais « aucun lien » direct et certain n’a pu être fait à ce jour par les scientifiques.
Un secteur « beaucoup trop chargé en fuites électromagnétiques »
Dans le dossier de Chaumes-en-Retz, les opposants ont toutefois « fait l’effort » de produire un rapport d’un « électrotechnicien » et d’un « géobiologue » pour qui « le secteur est beaucoup trop chargé en fuites électromagnétiques ».
La présence de « failles » dans ce « sol granitique » et la proximité d’une « zone marécageuse » ne vont rien arranger, selon eux.
Reste que cette pièce demeure « isolée » dans le dossier, et que la « qualification » des auteurs du rapport pour porter un tel jugement n’est « pas justifiée » par les requérants.
« Comme tous réseaux électriques (…), la présence d’aérogénérateurs et de câbles électriques interéoliens implique l’existence de champs (…) magnétiques », reconnaît lui-même l’exploitant dans son dossier de demande d’autorisation environnementale. Mais « en raison des faibles niveaux de tensions et des faibles courants transitant, mais également des technologies choisies, ces champs deviennent très rapidement négligeables dès lors qu’on s’éloigne de quelques mètres. »
Valorem a aussi prévu de faire passer des câbles électriques sur une passerelle par-dessus le « microvallon » au milieu duquel coule « La Blanche », le cours d’eau le plus proche des éoliennes : une buse ne serait « pas acceptable » d’un point de vue environnemental dans cette zone « en tête de bassin versant », a expliqué lors de l’audience la rapporteure publique.
Les pâles des éoliennes vont « frôler » le haut des haies
La magistrate s’inquiète en fait davantage pour les chauves-souris du secteur : les pales de ces éoliennes de 150 mètres de haut vont « frôler » les haies qui sont au sol, assure-t-elle, et seize espèces protégées ont été recensées par le Groupe mammalogique breton (GMB), une association qui défend les « mammifères sauvages » en Bretagne.
Chaumes-en-Retz est par ailleurs située sur « un axe migratoire significatif », ce qui augmente les risques de collisions avec les pales des éoliennes. Or, certaines espèces pratiquent « le vol en altitude à hauteur des rotors » des éoliennes et la mortalité « élevée » qui a été constatée sur les parcs éoliens de La Marne et de La Limouzinière n’est pas de nature à la rassurer…
La Mission régionale d’autorité environnementale (MrAe) avait d’ailleurs déjà pointé ce problème, dans un avis rendu en juin 2020. « La description de l’état initial ne présente pas d’écoutes de l’activité des chiroptères [chauves-souris, ndlr] en altitude, ce qui constitue une lacune importante », mettait-elle en garde les services en charge de l’instruction du dossier.
Au final, le « plan de bridage particulièrement strict » que l’exploitant se serait vu imposer par la préfecture de la Loire-Atlantique et le « classique suivi de la mortalité » des animaux n’est pas suffisant pour lever les doutes de la rapporteure publique : l’insuffisance du « diagnostic » de l’état initial du site est « constitutive d’une illégalité ».
Des « vices » qui restent « tout à fait régularisables »
Une autre « insuffisance », mais « heureusement plus circonscrite », a aussi été relevée par la magistrate : les nuisances sonores n’ont été évaluées la nuit que dans le cas où les éoliennes seraient bridées.
« Il serait (…) utile d’indiquer les niveaux obtenus sans bridage afin d’évaluer l’efficacité attendue des mesures envisagées », avait déjà dit la MrAe sur ce point.
« Cette lacune est très localisée mais essentielle pour les riverains », a confirmé la rapporteure publique à propos de cette « vraie problématique ».
Au final, elle a donc préconisé d’annuler intégralement le volet de l’étude d’impact sur les chauve-souris et celui relatif aux « nuisances sonores » des éoliennes « en période nocturne ».
Ces « vices » demeurent toutefois « tout à fait régularisables » et ne justifient pas l’annulation totale de l’autorisation complète délivrée par la préfecture, a pris soin de préciser la magistrate.
Elle a donc préconisé aux juges de donner dix-huit mois à Valorem pour reprendre son dossier et le soumettre à la préfecture.
Pour le reste, la rapporteure publique n’a rien trouvé à redire au projet de Valorem, notamment la « compensation » écologique de son projet.
Des « compensations » environnementales sur l’île Mandine, à Bouguenais
L’exploitant veut « transformer 1,05 ha de peupleraies » sur l’île Mandine, en rive sud de la Loire à Bouguenais, en 5000 m² de « prairies humides » ou de « roselières ».
C’est déjà sur ce site qu’il comptait « compenser » son parc éolien de Rouans et que RTE (Réseau de transport d’Électricité) pour l’agrandissement du poste électrique de Brains.
La végétation va aussi constituer un « masque visuel » entre les éoliennes et les riverains, et il n’y aura « pas d’effet de surplomb » avec leurs habitations. Leur avocate n’a pas fait d’autres observations à l’audience que celles déjà mentionnées dans ses mémoires écrits.
L’avocate de Valorem, pour sa part, a confirmé que les éoliennes vont « dépasser les seuils réglementaires » la nuit mais que le « bridage strict » qui a été imposé par les services de l’État va « permettre de respecter les valeurs » maximales autorisées. « Le bridage ne se fait pas en fonction des heures de la journée, mais en fonction de la vitesse du vent », a-t-elle insisté.
La Cour administrative d’appel de Nantes, qui a mis sa décision en délibéré, rendra son arrêt dans un mois environ.
Les exploitations requérantes sont précisément la SCEA des Brosses et les quatre GAEC de Malhara, du Bois-Noir, de La Boule des Houx et de Grand’Lande. Joël Gautier, Caroline Verney, Michel et Claudine Dousset, Johan et Lucie Tabourin, Sylvain Ravier, Fabienne Legris, Franck Morin, Yves Lefeuvre, Vincent Briand et Christian Bruneteau sont aussi parties prenantes à titre personnel.
actu.fr
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