La ferme voisine de Murielle et Didier POTIRON a été quasiment bradée.
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TÉMOIGNAGE. « C’est interminable » : ils racontent dix ans dans la tourmente des éoliennes de Nozay
Dix ans dans la tourmente des éoliennes
Après dix ans d’un trop long combat contre le parc éolien des Quatre-Seigneurs à Nozay, Didier et Murielle Potiron ont abandonné leur ferme à Puceul (Loire-Atlantique). Mais une expertise qu’ils attendent au tournant contre les éoliennes qu’ils accusent d’être à l’origine de la fin de leur élevage se fait encore attendre, et le bras de fer judiciaire se poursuit.
Il attendait une réponse ce mardi 21 février. « C’est encore reporté, au 28 février. On est vraiment déçus de la lenteur, exceptionnelle et difficilement acceptable, de la justice. Le dossier dure déjà depuis dix ans, et on a encore perdu de nombreux mois. On est impuissants, c’est désolant », réagit, à chaud, Didier Potiron, ancien éleveur laitier. Il vient d’apprendre le énième report de la décision de la cour d’appel de Rennes. Elle devait statuer sur une expertise des câbles électriques souterrains reliés au parc éolien des Quatre-Seigneurs de Nozay, voisin de son ancienne ferme. Et ce, depuis le 27 septembre 2022.
La colère
Ce n’est plus dans la ferme familiale que Didier nous reçoit. Les Potiron ont quitté le 2 février leur exploitation où ils travaillaient depuis 1969. Jeans et pull côtelé ont remplacé la cotte de fermier. Et c’est à la porte de la maison de ses beaux-parents, à Puceul (Loire-Atlantique), qu’il nous attend avec sa femme, Murielle. Ils ont vendu leur maison à l’été 2022. Puis, leur cheptel, leur matériel, et leur exploitation cédée à un céréalier le 7 décembre 2022. « Les céréales craignent moins les éoliennes », glisse-t-il, un rien amer.
En 2013, huit éoliennes sont mises en tension, dans le parc des Quatre-seigneurs, portées par le promoteur ABO-Wind. Elles moulinent à 700 mètres de l’exploitation des Potiron. Ils tiendront dix ans dans cette cohabitation, qu’ils estiment toxique : ils accusent les éoliennes d’être à l’origine des maux que leur élevage subit. Baisse de production laitière, stress et souffrance du bétail. 450 vaches, génisses et veaux sont morts, selon Didier.
« Je suis en colère. Nous avons été forcés d’arrêter, alors que notre objectif était d’installer notre fils. Ce n’était pas possible de continuer à travailler dans ces conditions. Dix ans, de combat, dix ans d’une vie, ce n’est pas rien », souffler Didier. Dans ce dossier baptisé « les éoliennes tueuses de Nozay », une douzaine de plaintes ont été déposées. Une trentaine d’expertises et études menée sur le site de la ferme et du parc éolien, pour déterminer les origine des nuisances. Selon Didier, sa ferme serait l’une des plus expertisées de France.
Et, pour rajouter à l’imbroglio de l’affaire, il y a une demande d’analyse de la qualité des câbles électriques enfouis qui remonte à août 2021. « En 2015, nous avons transmis les conclusions d’une analyse des câbles menée par Enedis à une expert en électricité qui a constaté leur usure, alors qu’Enedis avait conclu qu’ils étaient bons pour le service ». Puis, en juillet 2017, panne des éoliennes, elles arrêtent de tourner quatre jours. Retour à la normale pour le bétail, les vaches consentent à revenir au robot de traite, selon l’éleveur. « C’est pourquoi analyser les câbles nous paraissaient intéressant ».
« On pourrait écrire un livre »
Leur demande est acceptée par le tribunal judiciaire de Nantes en novembre 2021. « L’expert judiciaire a été nommé. Mais pour l’instant, rien n’est fait ». En février 2022, Enedis et l’exploitant du parc ont fait appel de la décision du tribunal. « C’est reporté tous les huit jours. Aujourd’hui, on doit être au seizième report ! ». Pour Robert Nicolas, secrétaire de l’ANAST (Association Nationale des Animaux Sous Tension) : « c’est un silence de mort. Nous suivons une dizaine d’éleveurs dans le même cas et nous essayons d’appuyer leur dossier pour les faire avancer ».
Maitre Lafforgue est l’avocat de ces éleveurs, dont font partie les Potiron. Selon lui, autant de reports, c’est inhabituel. Seule raison pouvant les expliquer : « le manque de moyens alloués à la justice ». Avec une amère ironie, Didier résume :
« C’est une histoire de fou, on pourrait écrire un livre ».
Ils iront « jusqu’au bout », pour la vérité
Didier et Murielle ont déménagé plus au nord du département, dans un village dont ils demandent de taire le nom. « Maintenant, on se pose un peu. On va essayer de partir en vacances. Pour la suite, on verra », confie l’ancien éleveur, rincé par ce combat, mais pas battu.
Pour obtenir « la vérité » un jour, les Potiron ne s’arrêteront pas là, assure Didier. « On se bat aussi pour les autres, » assure-t-il, en comparant son dossier à celui de l’amiante. « Ni la profession agricole, ni les élus ne nous ont soutenus, mais nous irons jusqu’au bout ». Qu’importe le temps que prendra le bras de fer judiciaire : « on est prêts et déterminés à attaquer sur d’autres terrains en fonction de l’issue de notre demande d’analyse des câbles électriques. Ce n’est qu’une piste de nuisance, il y en a d’autres comme la pollution aérienne des éoliennes ».
En lien avec l’ANAST, ils envisagent d’ailleurs de mener des actions, dont une première pourrait avoir lieu au salon de l’agriculture dans quelques jours.
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l’agricultrice Céline Bouvet attaque quatre ministres en justice
L’éleveuse Céline Bouvet, installée à Saffré (Loire-Atlantique) près du très polémique parc éolien des Quatre seigneurs, a porté plainte contre quatre ministres, pour « complicité par aide à l’administration de substances nocives », à titre principal, et pour « omission de combattre un sinistre », à titre subsidiaire.
Les ministres concernés sont l’actuel Premier ministre Jean Castex, le ministre de la Santé, Olivier Véran, l’actuelle ministre la Transition écologique et solidaire Barbara Pompili, et celle qui l’a précédé à ce poste, Elisabeth Borne.
La plainte a été déposée mi-janvier 2021 par l’avocat de Céline Bouvet, Maître Fabrice Di Vizio.
Installée à Saffré (Loire-Atlantique), l’une des quatre communes d’implantation du parc éolien des Quatre seigneurs, Céline Bouvet fait face, comme le couple Potiron, à une surmortalité de ses bêtes et à divers troubles de comportement de celles-ci depuis 2012 et la construction des huit éoliennes.
Des problèmes survenus dès la construction du parc éolien
Comme eux également, elle souffre depuis ce temps de divers maux : fatigue accrue et prolongée, douleurs musculaires, insomnies… Comme eux enfin, elle se bat depuis plusieurs années pour faire reconnaître le lien de cause à effet entre ces problèmes de santé et la construction des turbines.
Alors que Didier et Murielle Potiron ont décidé, suivant les conseils de l’avocat de l’Anast (association nationale animaux sous tension) Me Lafforgue, de concentrer leur plaidoirie sur les nuisances subies par les animaux, Céline Bouvet a choisi, elle, d’attaquer les pouvoirs politiques aussi sur l’aspect santé humaine.
« Le cas de cette agricultrice est emblématique de l’absence de débat sur l’impact sanitaire de l’éolien en France », a commenté son avocat Me Di Vizio auprès des journalistes de France 3.
actu.fr