L’éolien industriel


 Le document qui suit date de 2007.

Il a été mis en ligne sur le site de Décroissance Info, site disparu au début des années 2010.

Ce fut un brûlot pour l’époque.

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Le développement à un rythme accéléré des implantations éoliennes, stimulé par des montages financiers très lucratifs, s’apparente à une véritable ruée vers l’or, qui se fait, comme partout dans le monde, au détriment des espaces naturels et de la biodiversité.

Après le rapport du GIEC (1), le protocole de Kyoto, et surtout après quelques années de matraquage publicitaire intensif, les industriels de l’énergie ont réussi une métamorphose complète. Les problèmes écologiques environnementaux liés au développement industriel ont été transformés en problèmes industriels de production d’énergie, et les industriels s’affichent comme les chevaliers de cette « nouvelle écologie ».

Les « aménageurs » du territoire, source durable de Gaz à Effet de Serre (GES)

Les sources de production de GES sont connues de tout le monde. L’agriculture industrielle, la circulation automobile et le transport routier se positionnent parmi les groupes leader des gisements de GES et aussi, il ne faut pas l’oublier, en très bonne place des causes de mortalité pour la faune sauvage. Rien, absolument rien n’a été fait depuis le « premier choc pétrolier » pour réduire ces gisements de GES et cette cause majeure d’extinction des espèces sauvages. Le maillage routier et autoroutier n’a pas cessé de s’étendre et de se resserrer. Tout a été sacrifié sur les autels des industriels de l’automobile, de l’énergie et des travaux publics : les transports collectifs, le cadre de vie, la santé, les espaces naturels et la biodiversité. Pire : les choses continuent encore à un rythme toujours plus accéléré ; les villes, pour se décongestionner, s’entourent, au détriment des espaces naturels, de rocades périphériques de plus en plus complexes et enchevêtrées. Même les enfants sont mentalement formatés à l’idée qu’ils seront des automobilistes, et reçoivent, de plus en plus jeunes, la connaissance minimum nécessaire à l’accroissement de l’effet de serre ; le Code de la Route.

Tout le monde un tant soit peut informé des problèmes d’énergie sait qu’une politique vraiment sérieuse d’économie d’énergie peut largement satisfaire et dépasser sans difficulté les exigences du protocole de Kyoto, et ceci sans même remettre en cause la « société (dite) de consommation » (2).

Alors pourquoi cette ruée vers l’or « renouvelable » ? Pure logique industrielle et mercantile ! Le pétrole ne pourra plus continuer d’assurer la croissance exponentielle de la production énergie…

Stratégie de survie et de conquête de l’ordre industriel

Le développement des énergies « renouvelables » est, en fait, tout à fait conforme à la logique de l’ordre industriel et mercantile, et n’a absolument rien à voir avec une quelconque préoccupation environnementale. Après le charbon et le pétrole, le nucléaire a aussi tenté l’aventure de la croissance exponentielle avec Superphénix. La « surgénération » promettait de produire plus de matière fissible qu’elle n’en consommerait, constituant ainsi la première forme en date d’énergie « renouvelable » (industrielle). Mais le gouffre financier de l’opération (bien qu’assumé par les contribuables) a cependant réussi à calmer les ardeurs des industriels…

La mise en veille du corsetage des fleuves et de la construction des grands barrages, grâce à l’action des écologistes dans les années 70-80, a privé les industriels d’un débouché majeur pour écouler leur béton. Les projets de barrages sont toujours dans les cartons. Si le béton ne peut plus couler pour « réguler » l’écoulement des fleuves, l’éolien assure au béton le maintien de son écoulement libre et croissant en le labellisant « écolo » (3).

En attendant la « Société Hydrogène » et les retombées thermonucléaires du projet ITER (4), les industriels et les hommes d’affaires font « feu de tout bois » et énergie de n’importe quoi, pour maintenir un minimum de croissance exponentielle nécessaire à leur santé financière.

Voici le contexte historique général à l’origine de cette ruée vers l’éolien industriel.

Avec les concepts de « développement durable » et « d’énergie renouvelable », les industriels, nouveaux chevaliers de l’écologie, armés de leurs modernes moulins à vent labellisés « haute qualité environnementale », partent vaillamment à la conquête des espaces naturels.

Cent, mille, dix mille, cent mille éoliennes implantées, 1000 – 10.000 – 100.000 – 1.000.000 tonnes de béton coulé en milieu naturel, au nom de « l’écologie » : les industriels continuent d’aménager le territoire à leur image et deviennent les nouveaux occupants incontestés des lieux.

Le « syndrome de sevrage » énergétique secondaire à l’arrêt de Superphénix et à la fin perceptible des réserves pétrolières, le montage financier concocté en leur faveur par les « pouvoirs publics » (au détriment encore une fois des contribuables) et la labellisation « écologique » des éoliennes, immunisent les industriels de toute mauvaise conscience, et débrident leur « esprit d’entreprise ». Un million d’éoliennes (5) implantées ne peut donc plus les impressionner…

Vers l’industrialisation des Parcs Naturels Régionaux…

Autant d’éoliennes implantées et autant de béton coulé peuvent finir par effrayer la population. Par la multiplication des nuisances, le saccage des paysages et par les incidents et accidents, la menace ne peut plus être passé sous silence. Abondamment commentées dans la presse, ces nuisances et ces événements souvent spectaculaires occupent le devant de la scène. En mettant en avant les aspects techniques, ils occultent le problème environnemental. La parade à cette contestation « populaire » est simple, l’établissement de normes de sécurité et le respect de distance des éoliennes par rapport aux zones habitées et, pour satisfaire ces normes, la transformation des parcs naturels régionaux en parcs éoliens, premiers pas vers l’industrialisation de ces parcs. Les zones « Natura 2000 » sont massivement investies sans mauvaise conscience par les chercheurs d’or « renouvelable ». Avec la complicité des pouvoirs publics et la collaboration des «écologistes» les ZPS (6) se métamorphosent en ZDE (7). Profitant de la déliquescence économique des zones rurales, les prospecteurs éoliens, en faisant miroiter quelques retombées financières, obtiennent sans difficulté des communes les concessions nécessaires.

Le développement éolien source nouvelle et durable de GES

L’aggravation des problèmes environnementaux liés au réchauffement climatique, hier comme aujourd’hui et demain, relève bien du dynamisme et de « l’esprit d’entreprise » des industriels. La déforestation et la marchandisation du bois, la création de pâturages pour l’élevage intensif et extensif de bovidés, sources majeures d’émission de GES, relèvent bien de la compétence des industriels et des hommes d’affaires. Les millions de tonnes de béton produit, transporté et coulé en milieu naturel, les armées de camions de transport exceptionnels et d’engins de chantier en campagne pendant les phases de développement (durable) des projets éoliens contribuent activement au réchauffement climatique. Un million d’éoliennes dispersées sur le territoire à surveiller, entretenir et réparer, viennent apporter leur « modeste » contribution à la production (durable) de GES. La lutte contre le réchauffement climatique n’est vraiment pas de la compétence des industriels aménageurs du territoire…

Elle relève exclusivement du respect de la biodiversité, du respect de la biomasse et des espaces naturels.

L’éolien marchepied du nucléaire

L’augmentation de la production d’énergie par le développement éolien ne résoudra en rien le problème environnemental. Bien au contraire, en tant que nouvelle prédation industrielle sur les espaces naturels, et en tant que source d’énergie aléatoire liée aux caprices du vent, sa régulation nécessaire par des centrales thermiques productrices de GES, ne peuvent qu’aggraver le « réchauffement climatique ». Ces tares inhérentes à cette source d’énergie font de l’éolien une sorte de démonstration par l’absurde et par l’expérience brutale de la nécessité de relancer le nucléaire pour satisfaire Kyoto et préserver les espaces naturels. Véritable Cheval de Troie, piège mortel pour les écologistes, cette politique de la terre brûlée, des espaces naturels dévastés par la prolifération explosive des parcs éoliens, voici la stratégie des industriels pour convaincre tout le monde du bien-fondé du nucléaire. « Vous ne vouliez pas du nucléaire, vous avez voulu des éoliennes, voilà le résultat ! »

Gagner de l’argent au nom de l’écologie, dévaster les paysages, occuper et industrialiser les campagnes au nom de l’écologie, augmenter le prix de l’énergie au nom de l’écologie ; voici la stratégie gagnante des industriels, soutenus par l’Etat pour discréditer l’écologie et relancer le nucléaire au nom de l’écologie.

Les chasseurs aux avant-postes de la lutte écologiste

Paralysés, piégés, désorientés ou fascinés par les concepts d’énergie « renouvelable », les écologistes se retrouvent mis hors jeu ou instrumentalisés dans les études d’impact, où ils collaborent avec les industriels, devenus eux les maîtres du jeu. Dans ce contexte de déliquescence du « mouvement écologiste », ce sont les chasseurs qui se mobilisent pour la préservation de leur « espace de jeu » et, en dénonçant cette concurrence industrielle nouvelle et déloyale dans la mortalité aviaire, se positionnent à l’avant-garde de la lutte pour la préservation de la biodiversité. Pire encore, des « écologistes » dévoyés, métamorphosés en techno écologistes, relativisent et minimisent la mortalité des oiseaux et chauve-souris liée aux éoliennes, en la comparant aux autres sources industrielles de mortalité animale, et même, pour certains, le chat domestique constituerait une menace environnementale plus grande que le bétonnage industriel des campagnes.

Plein emploi pour les naturalistes

Le dénombrement des oiseaux morts au pied des éoliennes, dans un contexte général d’effondrement global des populations, ne peut aboutir, malgré l’objectivité des données, qu’à une analyse erronée du problème. Les sources de mortalité s’additionnent, mais les effectifs des mortalités se neutralisent et s’éclipsent mutuellement. Comme tous les êtres vivants, les oiseaux ne meurent qu’une fois, mazoutés ou charcutés mais pas charcutés et mazoutés.

Les promoteurs éoliens peuvent sereinement financer des études d’impact sur l’avifaune, les données « objectives » sont d’emblée et préalablement biaisées par le contexte général d’érosion de la biodiversité. Une mortalité globalement en baisse associée à la prolifération des éoliennes peut même être considérée comme un état pré-mortem…

Mazouté, charcuté, fusillé, intoxiqué, le développement industriel assure la bonne santé de la tuerie-diversité. De marée noire en marée noire et d’éolienne en éolienne, l’accroissement permanent et la diversification des productions d’énergie ne font que noircir (au sens propre et au sens figuré) l’état de santé de la biodiversité. De marées noires en éoliennes, le dénombrement des oiseaux morts, mazoutés ou charcutés, est devenu une activité à plein temps pour un nombre croissant de « naturalistes ».

Conclusion : étymologie d’avenir d’un mot…

Avec l’éolien, l’industrialisation des campagnes prend un nouvel élan. Les sources industrielles de mortalité de la faune sauvage se multiplient, les pollutions et production de GES se diversifient. Le développement éolien vient prêter main forte à l’agriculture industrielle. Cimentiers et Semenciers, béton, maïs et OGM se partagent les terrains, gaz à effet de serre et éoliennes se partagent l’atmosphère.

Si l’éolien ne sert à rien ou à peu de chose en matière de production globale d’énergie, on sait dès à présent qu’il a remplacé, entre autres choses, les grands barrages hydro-électriques comme débouchés pour les cimentiers.

La dévastation des paysages, des espaces naturels au nom de l’écologie, pour une production aléatoire d’énergie, prépare « l’opinion » au nucléaire et aussi, une fois les « écologistes » discrédités et marginalisés, aux barrages ; les semenciers et leur maïs OGM « libéré » par « l’Europe », sont de gros consommateurs d’eau « régulée » comme le sont aussi les centrales nucléaires…

Tout espoir n’est cependant pas perdu pour la « lutte contre le  réchauffement climatique ». La Religion du Progrès trouvera certainement la véritable utilité des éoliennes. Avec l’avènement de la « Société Hydrogène » ou de la « Société ITERienne », on pourra inverser les flux d’énergie, alimenter les éoliennes en électricité, et les utiliser, comme leur nom d’aérogénérateur l’indique déjà, en tant que ventilateurs pour rafraîchir l’atmosphère. L’effondrement de la biodiversité, des populations d’oiseaux et de chauves-souris sera dans 20 ou 30 ans largement suffisant pour ne plus gêner leur bon fonctionnement…

Notes  

(1) GIEC : Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat

(2) Ce texte est la transformation en article d’un projet de « lettre ouverte » à la Ligue Protectrice des Oiseaux (LPO) pour l’amener à réévaluer son positionnement par rapport à l’éolien industriel, le langage et utilisés a été choisis pour être adaptés à cette catégorie d’écologistes…

(3) Le cimentier Lafarge a, récemment (en 2000) été labellisé « écolo » par WWF (on appelle ça un partenariat) et peut désormais tout se permettre. Par exemple un projet d’extraction de sable (600 000 tonnes par an pendant 30 ans) sur un site « classé Natura 2000 » entre les presqu’iles de Grave et de Quiberon dans le Morbihan. Le projet est « tout à fait conforme à la loi », les « études d’impact » des écolocrates, sont « tout à fait rassurantes », voici donc un dossier administrativement parfaitement bien ficelé ; l’état et les aménageurs du territoire ne sont plus à une contradiction près… Le réseau Natura 2000 créé en 1992 par une directive européenne n’est en fait que le versant démagogique nécessaire aux aménageurs du territoire.

(4) ITER: International Thermonuclear Experimental Reactor

(5) Le chiffre de un million d’éoliennes est peut être exagéré. Mais, répétons-le, la labellisation “écolo” des éoliennes « pour sauver la planète », les montages financiers très lucratif, la nécessité véritablement idéologique de maitenir la population dans une forte dépendance énergétique, la nécessité de la croissance inhérente à l’ordre industriel, etc., sont autant de stimulant pour une croissance exponentielle sans limite des implantations.

(6) ZPS : Zone de Protection Spéciale

(7) ZDE : Zone de Développement Éolien