Troubles dans les élevages


Une histoire qui date mais toujours d’actualité

La cour d’appel de Rennes ordonne une expertise des câbles enterrés sur le parc éolien des Quatre Seigneurs à Nozay

Le 21 mars 2023, la cour d’Appel de Rennes ordonnait l’expertise judiciaire des câbles reliant les 8 éoliennes du parc de Nozay en Loire-Atlantique au poste source.

 Depuis plus de 10 ans plusieurs agriculteurs vivant à proximité de ce parc, dont les plus médiatiques Muriel et Didier Potiron qui ont vendu depuis leur exploitation (à un céréalier) et Céline Bouvet toujours exploitante à Nozay dénoncent des nuisances sanitaires inacceptables qu’ils imputent à la présence du parc tout proche et des câbles électriques enfouis dans le sol.

L’arrêt rendu par la cour d’appel décrit dans le détail les pertes subies par les élevages ainsi que la longue liste des expertises qui se sont déroulées depuis 2013.

Chronologie

En juillet 2012 Les époux Potiron signe un bail emphytéotique pour des parcelles du futur parc éolien

En juin 2013, le parc situé à 700m de l’exploitation des époux Potiron est fini de construire et opérationnel

Dès Octobre 2013, le couple ainsi que leurs voisins dénoncent « des troubles touchant leur bétail (mammites à répétition, baisse de la production de lait, comportements anormaux des animaux, dégradation sanitaire du troupeau, retard de croissance des jeunes animaux, le tout ayant entraîné des pertes très importantes de chiffre d’affaire, une augmentation tout aussi importante des frais vétérinaires, puis une perte de plus de 400 bêtes sur 10 ans…), outre des troubles du sommeil et des insomnies pour les personnes. »

La chambre d’agriculture, le GPSE, le ministère de l’écologie sont alertés et vont mener des expertises pendant de nombreuses années. En 9 ans, les éleveurs comptabilisent plus de 500 bêtes mortes qu’ils imputent à la présence du parc.

En 2017 une action est menée par les éleveurs devant le tribunal de grande instance de Nantes contre l’exploitant du parc, demandant l’annulation du bail emphytéotique et une demande d’indemnisation pour trouble anormal de voisinage. Cet action est toujours en cours.

En Février 2021, paraît un rapport interministériel (ministères de L’Environnement et de l’Agriculture).

La mission dans ce rapport reconnaît la concomitance des troubles dans les élevages depuis la construction du parc éolien. Or, les troubles indiqués dépassent les 500 vaches mortes. La mission relève également qu’elle a été saisie d’informations sur des problèmes sanitaires humains. Les auteurs rajoutent que la problématique humaine n’a pas été traitée, car il manquait le ministère de la Santé comme composante à la mission. Ce rapport préconisait un arrêt du parc pendant 10 jours.

Malgré la demande du ministère de la Transition écologique, l’exploitant du parc éolien, le fonds allemand KGAL qui pèse plus de 20 milliards d’€, s’est opposé à un arrêt-test de 10 jours.

En Aout 2021, M. et Mme. Potiron et leur voisine Céline Bouvet, assignent l’exploitant KGAL et Enedis en référé devant la Cour d’Appel de Rennes à des fins d’expertise sur les câbles, les différentes liaisons au poste source, l’impact des ondes électromagnétiques sur les animaux d’élevage, la présence, entre autre, de courant électrique vagabond…

En Novembre 2021, le juge des référés accepte la demande et nomme un expert chargé de répondre sur une vingtaine de points.

En janvier 2022 l’exploitant allemand KGAL interjette l’appel, demandant qu’une expertise soit effectuée pour vérifier la bonne tenue des troupeaux des éleveurs et qu’ils soient déboutés de leur demande d’expertise.

Troubles et nuisances

Le 21 mars 2023 le juge confirme la demande des éleveurs. Pour appuyer leur demande d’expertise les époux Potiron et leur voisine mettent en avant les différents points listés ci-dessous (Liste intégralement tiré de l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes):

Les problèmes de baisse de production du lait et de comportement anormal et agité des vaches sont apparus sur l’exploitation dès la fin de l’année 2012 correspondant à l’implantation des éoliennes et se sont particulièrement aggravés au moment des travaux de câblage, réalisés dans des zones d’inondations fréquentes, et de leur mise en service quelques mois plus tard à partir de la mi-2013, ainsi :

  • le vétérinaire évoque au cours de l’année 2013 une baisse manifeste de l’état immunitaire du troupeau,
  • Les vétérinaires conseils, dans un rapport du 20 mai 2015, font état d’une production de lait qui a chuté depuis le 4ème trimestre 2012 et des conditions de traite (qui) se sont très fortement détériorées avec des vaches qui expriment une réaction physique à une agression depuis juin 2013,
  • Le relevé de conclusions d’une réunion organisée par la préfecture sur le parc éolien le 13 janvier 2016 fait état des incidents de traite [qui] sont à des taux ‘normaux’ avant le 28 juin 2013 (date de la mise en service progressive du parc éolien), aux alentours de 12 %’ et qui ‘sont en croissance forte à partir du 2 juillet 2013, entre 16 % et 30 %,
  • Mme [Y], experte en médecine vétérinaire, professeur émérite à l’école nationale vétérinaire de …, expert du Groupe Permanent pour la Sécurité Electrique fondé dans les années 2000 par EDF sous l’égide du ministère de l’Agriculture pour évaluer l’impact des courants vagabonds sur les élevages (GPSE), a conclu dans un rapport du 26 février 2015 que : ‘Les animaux de ce troupeau présentent des troubles de comportement indiscutables dont les conséquences doivent être matérialisées sur la base de données chiffrées qui permettront d’établir si la dégradation des résultats est effectivement concomitante de l’installation des éoliennes, il faut effectivement reconnaître qu’au vu de cette première visite, la conduite du troupeau n’a pas été modifiée en 2012- 2013. L’élevage est actuellement victime d’un cercle vicieux, les éleveurs étant dans l’obligation d’augmenter l’effectif pour produire suffisamment de lait, au détriment des conditions de traite et d’élevage. Les investigations électriques réalisées par M. [R] mettent en évidence des anomalies qui doivent être corrigées.’

Le rapport du 20 mai 2015 du protocole GPSE met en évidence la véracité des dires et observations de M. Potiron permettant d’établir que :

  • 40% des vaches refusent d’aller spontanément à la traite,
  • les vaches sont très agitées pendant la traite,
  • les vaches produisent des quantités de lait variant du simple au triple d’une journée sur l’autre pour nombre d’entre elles,
  • les vaches refusent par moment de rentrer dans le bâtiment.
  • le rapport de M. [U] en date du 31 mars 2016 présente une analyse statistique qui établit une corrélation qu’il considère comme forte (supérieure à 50 %) pour des conditions d’élevage soumises à de nombreux autres facteurs.

Cette corrélation est établie entre le fonctionnement du parc éolien, la production d’électricité et les chutes accidentelles des gobelets trayeurs en cours de traite, cet indicateur est révélateur du stress et de l’inconfort des animaux.

Cette corrélation est proportionnelle à la production électrique au cours des deux premiers mois de fonctionnement du parc éolien, soit juillet et août 2013. Par la suite, cette proportionnalité disparaît n’excluant pas un effet non proportionnel entre production électrique et comportement des vaches.

Nous ne pouvons exclure que des animaux soumis au stress irrégulier et aléatoire, adoptent au cours du temps une attitude constante de méfiance, puisque qu’ils ne sont pas capables d’anticiper les conditions de traite et l’ambiance dans le bâtiment. Il faut aussi rappeler que les incidents de traite ont débuté dès les travaux de mise en place des éoliennes. Cette période n’entre pas dans l’analyse statistique de corrélation entre production électrique et anomalies puisqu’évidemment la production n’avait pas débuté. (rapport GPSE)

En avril 2017, le conseiller référent à Elevage Conseil Loire Anjou atteste de l’observation de montée de production laitière lors de l’arrêt accidentel du parc éolien. Ce parc s’est arrêté le 28 février 2017 à 14h00 et il a redémarré le 4 mars 2017 vers 9h00.

Il a été constaté pendant la période d’arrêt :

  • Une augmentation de la production laitière de + 2,7 %,
  • Une forte augmentation de la fréquence du robot de + 143 %,
  • Une forte diminution du nombre de traites incomplètes de – 62 %,
  • Une stabilité du nombre de traites avec chutes,

Cette amélioration des performances d’élevage et du comportement des animaux au cours de l’arrêt des éoliennes s’est rapidement dégradée lors de la remise en service du parc éolien.

Dans un courrier du 30 juin 2020, Mme [Y] confirme dans les termes suivants : Il est indiscutable, pour moi et les autres membres du GPSE impliqués dans ces dossiers, que l’implantation des éoliennes en 2012 et leur mise en service en juin 2013, a eu un impact négatif sur le comportement des vaches, en particulier lors de la traite, et sur leur production de lait. Nos conclusions sont confortées par le fait que les difficultés se sont déclarées au même moment dans les deux élevages dont le fonctionnement était auparavant tout à fait normal.

Si la concordance des troubles avec la mise en service des installations électriques et, inversement, leur disparition dans les périodes d’arrêt desdites installations, ne sont pas contestées, ni du reste contestables eu égard à leur objectivation, une des pistes possibles est donc celle du phénomène des courants parasites, également appelés ‘courants vagabonds’ ou ‘courants de fuite’, qui sont des courants électriques émis par les lignes électriques et qui se propagent à travers le sol via des éléments conducteurs, tel que les eaux souterraines, la nature des sols, puis les installations d’élevage en structure métallique ou les équipements électriques et électroniques qui en favorisent la circulation (abreuvoirs, mangeoires, clôtures, etc…).

Autre cas particulier : la zone dans laquelle se situe l’exploitation, est particulièrement humide et riche en cours d’eau qui sont susceptibles de favoriser les phénomènes de courants vagabonds. La mortalité s’est élevée à plus de 400 bêtes sur une période de 10 années, soit plus de 40 bêtes par an, ce qui est considérable au regard des normes habituelles (de 10 à 15 par an pour un troupeau de la taille de celui de M. et Mme. [A]).

Enfin Le Mouvement de la Ruralité qui soutient les éleveurs de Nozay publie le 6 avril sur son site internet, l’intervention au pied des éoliennes 15 jours après la décision de la cour d’appel de Rennes en dit long sur la probité et le respect de l’exploitant vis à vis de la loi française et des éleveurs.