Bernard Puyenchet, le maire d’Illiers-Combray, coeur du roman proustien « Du côté de chez Swann » raconte pourquoi il s’est opposé à un projet éolien, dans une région qui accueille de nombreux aéromoteurs.
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Imaginez un paysage, un paysage français et proustien. Proustien, dans le premier sens du terme. Un paysage tel que décrit dans l’œuvre de l’écrivain, aux abords de Combray. Retour à la vie réelle, contemporaine. Au cœur de ce paysage, surgissent des éoliennes. Rémunératrices, voir nécessaires, pour celles et ceux qui les accueillent. Déformantes, voire nocives, pour celles et ceux qui ne reconnaissent plus les descriptions de la Recherche du temps perdu. Pourquoi évoquer cela ? Car mercredi dernier, le Conseil d’Etat a rendu une décision historique. Après trois années de batailles, il a statué en faveur d’associations qui contestaient l’implantation d’un parc éolien à Vieuvicq et à Montigny-le-Chartif (Eure-et-Loir), situées à cinq kilomètres environ d’Illiers-Combray… le lieu au coeur de Du côté de chez Swann.
Pour comprendre les motifs et la portée de cette décision, le contexte local, aussi : Bernard Puyenchet, maire d’Illiers-Combray.
« Nous sommes en Eure et Loire, dans un département qui compte plusieurs centaines d’éoliennes et le promoteur de ce projet avait sans doute repéré la possibilité d’installer ce type d’engin à proximité d’Illiers-Combray comme le font tous ces investisseurs sur l’ensemble du territoire« , explique Bernard Puyenchet.
Comment la mobilisation s’est créée, s’est forgée contre ce projet ? Quels étaient les arguments portés par les associations pour tenter de l’empêcher ? Bernard Puyenchet explique : « Les arguments des associations, en particulier la société des habitants de Marcel Proust, mais aussi des habitants, et donc j’ai apporté évidemment mon appui à tout cela. C’était tout simplement la volonté de préserver les paysages décrits par Proust dans son oeuvre, en particulier du côté de chez Swann. Proust a décrit les ondulations, j’allais dire, du blé, de la présence de forêts, du noir, et tout cela, nous souhaitions le préserver. Pouvoir offrir aux 15 000 visiteurs qui, chaque année, viennent visiter ces lieux comme une sorte de pèlerinage, j’allais dire, au profit de l’œuvre de Proust« .
Le maire poursuit sur le thème du paysage et du tourisme : « Il faut imaginer que vous êtes dans un paysage de vallons. En fait, Illiers est à la frontière entre la Bosse et le Perche. Et donc, Vieuvic et Montigny-le-Chartif, surtout Vieuvic, offrent ces paysages de collines boisées, vertes, ce qui fait le charme de tout ce secteur, et également une juste apposition de bois. Et… Installer des appareils de 150 m de haut, c’était évidemment défigurer ces paysages, c’était altérer les descriptions qu’en a fait Proust, et j’imagine que les visiteurs, dont 40 % viennent de l’étranger, se seraient étonnés, pour ne pas dire plus, de ces balafres verticales… »
« En tant qu’élu, je ne suis pas opposé aux éoliennes en général. Encore une fois, je ne suis pas un expert, donc je suis incapable de dire si c’est opportun ou pas, mais dans ces paysages, encore une fois, que nous nous efforçons de protéger, d’améliorer et, comme vous l’avez dit, d’y aménager des parcours afin que les touristes puissent découvrir les pages décrites par Proust. »