Objet de débats passionnés depuis plusieurs dizaines d’années, la question de l’impact sur les activités d’élevage des antennes téléphoniques, installations électriques et éoliennes vient de faire l’objet d’une première étude auprès des éleveurs. Une mission du CGAAER décrypte ses résultats instructifs.
Un exploitant sur deux répondant à l’enquête et élevant des vaches laitières déclare des perturbations sur ses animaux.
- Champs électromagnétiques : que disent les 1015 éleveurs ayant répondu à l’enquête ?
- Le sujet des troubles électromagnétiques touche fortement les éleveurs
- Cinq recommandations pour renforcer la recherche sur les champs électromagnétiques en élevage
- Plus de moyens accordée à la faune sauvage et des demandes trop élevées aux éleveurs
« La protection des animaux domestiques et particulièrement d’élevage vis-à-vis des champs électromagnétiques ne semble pas prise en compte aussi fortement que celle de la faune sauvage », s’étonnent les auteurs du rapport « caractérisation de l’impact sur les activités d’élevage des antennes téléphoniques, installations électriques et éoliennes » publié le 25 avril. Diffusé sur le site du ministère de l’agriculture, il s’agit du résultat d’une mission lancée au niveau national et confiée à Thomas Clément, inspecteur général de santé publique vétérinaire, et Dominique Tremblay, inspecteur général.
La protection des animaux d’élevage vis-à-vis des champs électromagnétiques ne semble pas prise en compte aussi fortement que celle de la faune sauvage
Au cœur de la mission : une enquête réalisée du 26 juin au 31 août 2023 et visant tous les éleveurs de France métropolitaine situés dans un périmètre de 2 km d’antennes relais, installations électriques et éoliennes, qui a permis de remonter 2483 questionnaires dont 1015 complets permettant « d’appréhender comme jamais la situation des élevages exposés », écrivent-ils.
Champs électromagnétiques : que disent les 1015 éleveurs ayant répondu à l’enquête ?
Plus de la moitié des 1015 réponses complètes proviennent de 3 régions : Bourgogne-Franche Comté, Pays de la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes.
L’enquête révèle un taux de réponses indiquant des troubles anormaux sur des animaux très élevé voire le plus élevé dans les exploitations agricoles situées à moins de 2 km d’une antenne : 60% pour les vaches laitières, 34% pour les vaches allaitantes, 57% pour les porcs, 46% pour les petits ruminants et 31% pour les volailles.
Les élevages laitiers signalent le plus de perturbations
Dans l’ensemble ce sont les élevages laitiers qui signalent le plus de perturbations : avec 26,21% des réponses. Un exploitant sur deux répondant à l’enquête et élevant des vaches laitières déclare des perturbations sur ses animaux.
Un lien avancé entre les perturbations et la caractéristique physique du sol
L’enquête révèle par ailleurs un lien dans les réponses entre une caractéristique physique particulière du sol (présence de veines d’eau, de failles, de cavités, de gisements métallifères) et une manifestation électromagnétique.
Le rôle de géobiologues mis en avant
Dans les élevages laitiers, sur 235 éleveurs indiquant des troubles de comportement de leurs vaches laitières, 53 affirment que ces troubles ont régressé après l’intervention d’un géobiologue, « dont la pratique est très contestée dans le milieu scientifique » soulignent les auteurs du rapport.
Le sujet des troubles électromagnétiques touche fortement les éleveurs
Les auteurs du rapport s’étonnent par ailleurs de commentaires laissés par 493 éleveurs, certains n’exprimant que de la révolte, de la lassitude, quand d’autres se révèlent très précis sur divers aspects techniques et pourraient être utiles à des chercheurs.
Troubles de comportements, baisse de production et mortalité des animaux
Concernant les perturbations sur le cheptel, les éleveurs citent dans les commentaires : des troubles de comportements (évitement de certains endroits, agitation, peur…), d’autres signes cliniques (baisse de la performance et de la production, problèmes de reproduction, pertes d’appétit et de consommation d’eau, niveau de celles dans le lait) ou encore la mortalité d’animaux.
A travers les commentaires, les auteurs du rapport notent par ailleurs des demandes d’aide ou de contacts de la part des éleveurs, l’expression de pertes financières ou encore l’arrêt d’activité pour 18 d’entre eux.
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Des éleveurs en détresse mais volontaires
En complément de l’enquête sur internet, les auteurs soulignent avoir visité des élevages exposés dans les départements de la Somme, de la Manche, du Puy de Drôme, du Morbihan, des Côtes d’Armor et d’Ille-et-Vilaine et s’être entretenus avec des éleveurs de la Sarthe, du Finistère, de la Haute Loire, du Gers et de l’Aisne. Ils témoignent avoir trouvé des éleveurs confrontés à des situations voire sociales très dégradées mais restant volontaires, désireux de partager leurs observations et analyses avec la recherche. Un certain nombre d’entre eux se sont même organisés et ont créé l’association Eleveurs autrement.
Cinq recommandations pour renforcer la recherche sur les champs électromagnétiques en élevage
A l’issue de cette enquête, les auteurs émettent plusieurs propositions, recommandant entre autres :
- D’encourager la recherche à explorer les pratiques développées sur le terrain par certains géobiologues pour en identifier les éventuels fondements scientifiques
- De donner les moyens aux projets de recherches visant à actualiser les seuils de perception et les effets des courants parasites sur les animaux d’élevage
- D’améliorer les connaissances concernant à la fois la conductivité des sols et les propriétés de l’eau exposée aux courants électromagnétiques en prenant en compte les différentes sources pouvant les exposer simultanément
- Faire une enquête plus approfondie auprès des exploitations touchées ayant laissé leurs coordonnées
- Inclure des chercheurs du CNRS et du CEA dans le groupe de travail sur le sujet piloté par l’Inrae et regroupant le BRGM, l’Idele et le GPSE.
Plus de moyens accordée à la faune sauvage et des demandes trop élevées aux éleveurs
Alors que des dizaines de millions d’euros sont clairement orientés pour évaluer l’impact des antennes relais, installations électriques et éoliennes sur la faune sauvage, les équipes qui travaillent sur les animaux d’élevages peinent à financer leurs recherches, déplorent les auteurs de l’étude. « L’enquête réalisée montre que nombreux sont les éleveurs inquiets du potentiel impact néfaste d’une antenne relai, d’un équipement électrique ou d’une éolienne sur leur élevage, ou convaincus d’en subir déjà les conséquences », soulignent-ils encore ajoutant que « dans ce dernier cas, il est demandé aux éleveurs de démontrer scientifiquement l’origine des perturbations que leurs animaux subissent alors qu’ils n’en n’ont pas forcément les moyens, y compris financiers, d’autant que la science elle-même s’interroge toujours ».
Retrouvez l’ensemble du rapport (152 pages)
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